Quand Emile Antoine Bourdelle créait à Villebrumier
Pour marquer le 150ème anniversaire de la naissance d’Emile-Antoine Bourdelle, de nombreuses manifestations (expositions, conférences, spectacles, films…) se déroulent dans sa ville natale de Montauban jusqu’au 18 novembre.
Il se trouve que le célèbre sculpteur a séjourné fréquemment, de 1895 à 1902, au château de Villebrumier où il s’adonnait à la peinture et à la poésie.
C’est vers 1890 que Bourdelle, alors sculpteur encore peu connu, est mis en relation avec Jean de Marigny, propriétaire du Château. Ce dernier, rentier très riche, mondain, cultivé et grand amateur d’art, fréquente les milieux politiques et artistiques. Une amitié fidèle se noue entre les deux hommes, attestée par l’échange d’une abondante correspondance.
Jean de Marigny aide financièrement l’artiste et lui procure l’opportunité de peindre, au sein même de sa demeure, des portraits de membres de sa famille ou de personnalités de son entourage. Il s’arrange notamment pour lui faire rencontrer sa belle cousine, Henriette Vaisse-Cibiel, habitant à Négrepelisse, que Bourdelle courtise et dont il réalise un superbe tableau.
Bourdelle profite aussi du calme de ses séjours à Villebrumier pour rédiger des poèmes. Ceux-ci sont consignés dans un cahier bleu. Certains rendent hommage au village et à son Château ainsi qu’à ses hôtes. Ces compositions témoignent des fortes convictions de l’artiste, de son esprit fécond, de sa vie de travail infatigable.
Voici l’extrait d’un long texte daté de septembre 1902 dédié ‘A Monsieur, Jean de Marigny’
L’Ebauche
Ami,
Tandis que je travaille à la fin de mon œuvre,
Que le ciseau sonore encore n’est pas posé,
Tandis qu’au seuil des morts mon front s’est reposé
Et que j’inscris leurs noms saints comme des chefs d’œuvre,
Vous accourez, ami, vous arrêtez ma main. (…)
Puis comme en vous serrant la main j’y sens votre âme
J’y demeure appuyé comme en un reposoir.
L’amitié donne au cœur comme l’étoile du soir,
Le parfum de divin qui frémit sur notre ombre.
Partons de la grande tombe où tremble la pénombre,
Où le couchant s’attarde en un pieux devoir,
Vos deux chevaux fougueux brûlent, allons revoir
Villebrumier tout brun d’où montent vos tours blanches.
L’air de la terre souffle, et nos yeux, par les branches,
Sont frôlés, et c’est là la caresse des champs.
De grands bœufs, sous le joug par les coteaux penchants,
Rentrent, portant la nuit sur leurs robustes épaules.(…)